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Christophe Claret lance sa marque sur le tapis de jeu

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March 2011


Pierre Maillard

Christophe Claret a le mérite de la franchise et c’est sans hésitation qu’il évoque la situation de son entreprise. Après un baisse de 3% en 2009, il a été frappé de plein fouet par une baisse de -33% en 2010, principalement du fait de l’annulation de projets de développement de mécanismes novateurs de la part de grandes marques.
La mort dans l’âme, il a dû voir son personnel passer de 125 à 90 personnes aujourd’hui (la majorité par départs naturels). Cette crise, Christophe Claret l’avait anticipée, à sa manière et avait réfléchi en amont aux parades à trouver. Trois pistes ont été dégagées: première piste, développer la sous-traitance de composants, ce que lui permet son outil industriel très développé, capable de traiter composants de mouvements comme pièces d’habillage; deuxième piste, développer des modules de complications extra-plats à forte innovation pouvant venir se greffer sur des mouvements automatiques de qualité (Piguet, Girard-Perregaux, Vaucher); troisième piste, développer sa propre marque, qui puisse également compenser la diminution enregistrée sur les hautes complications. C’est ainsi qu’est née la marque Christophe Claret, distincte désormais juridiquement de la Manufacture Claret.

Christophe Claret lance sa marque sur le tapis de jeu

Une horlogerie ludique
La première manifestation tangible de la nouvelle marque Christophe Claret est née l’année dernière, à l’occasion des vingt ans de la manufacture. Il s’agit de la Dual Tow, une montre très complexe, vendue au prix de 550’000.- CHF. Christophe Claret n’est pas peu fier d’avoir réussi à en écouler 20 en 18 mois. A un tel prix, il est vrai que c’est une performance plus qu’honorable. La deuxième pièce de la nouvelle marque, l’Adagio vient d’être lancée, à Genève en janvier (à ce sujet, lire Europa Star 1/11) et la troisième pièce, la 21 Blackjack est de sortie à BaselWorld. Avant que de décrire plus avant cette pièce, disons qu’elle est emblématique de la direction que Christophe Claret veut donner à sa nouvelle marque: des pièces qui comportent toujours un mécanisme ou une complication très innovante, vendues en-dessous de 200’000.- CHF (les complications qui sortaient de la Manufacture Claret se vendaient systématiquement au-dessus de cette barre des 200’000.- CHF et allaient jusqu’au million de CHF) et conçues avant tout dans un esprit ludique. Une horlogerie “joyeuse” et souvent interactive – Christophe Claret le résume en disant que son horlogerie est “active, interagit avec son porteur, n’est pas dans la pure contemplation” et annonce vouloir faire des produits “qui soient animés”. La 21 Blackjack est, de ce point de vue, une illustration parfaite de cette horlogerie ludique, puisqu’on peut y jouer à trois jeux de hasard: les dés, la roulette et, bien évidemment, le Blackjack.

Comment ça marche...
Sous le verre légèrement fumé de la 21 Blackjack, on découvre un jeu de cartes qui semble comme jeté au hasard et sept guichets dont trois sont ouverts, les quatre autres étant recouverts d’un “volet” gravé du sigle de la marque. Un premier poussoir permet de brasser les cartes: on voit alors, durant environ deux secondes, accompagnées par un bruit caractéristique, les cartes tourner en tous sens avant de s’immobiliser et de se placer sous les guichets. On peut alors découvrir les trois premières cartes sous les guichets ouverts. A l’aide de deux autres poussoirs, respectivement gravés DEALER et PLAYER, tour à tour le Joueur puis le Banquier lèvent leurs cartes: le premier guichet s’ouvre alors, dévoilant la carte. Et ainsi de suite, le principe gagnant étant de parvenir à composer un 21. “Petite” complication supplémentaire, chaque fois qu’un joueur lève sa carte retentit une sonnerie. Le marteau de cette sonnerie, gravé d’un HIT caractéristique du Black Jack, peut se voir en action sur le flanc de la montre, à travers une ouverture protégée par un verre saphir. De l’autre côté de la couronne, sur le même flanc, une autre ouverture latérale permet de découvrir deux dés en liberté. En bougeant la montre, les dés sont remués... petit jeu d’hasard supplémentaire. Mais quand on retourne la montre, on découvre un troisième jeu, la roulette. Celle-ci est composée d’un cercle de chiffres alternés en rouge et noir (petite sophistication supplémentaire, cette échelle peut être positionnée, au moment de l’achat, de la façon que le désire le propriétaire de la montre en plaçant son propre “lucky number” en face d’une émeraude sertie sur le bord du boîtier arrière). Au centre, la roulette elle-même, dont la bille est figurée par une pointe de flèche, tourne librement, directement reliée qu’elle est à la masse oscillante du mouvement mécanique automatique (un Frédéric Piguet, dans ce cas, choisi pour sa minceur, ses performances et son double barillet) qui anime la 21 Blackjack.

Christophe Claret lance sa marque sur le tapis de jeu

884’736 combinaisons
Tout Claret est dans cette montre, véritable jouet pour (riche) garçon. On reconnaît notamment sa maîtrise des animations complexes qui ont fait sa renommée. Les sept disques (magnifiquement sérigraphiés des motifs des cartes, qu’on dirait peints à la main), qui offrent au total 884’736 combinaisons possibles, comportent 45 cartes sur les 52 d’un jeu standard. Le système imaginé par Claret comporte un “lanceur” qui arme un rochet agissant sur un ressort qui lance les disques. Ceux-ci, en or pour leur inertie, sont équipés d’un pignon et sont montés sur un double roulement à billes céramique. Les disques tournent alors très rapidement, par inertie – et donc sans aucunement utiliser de couple provenant des barillets – et s’arrêtent précisément en face des guichets grâce à un sautoir. Ajoutons encore un mécanisme distinct qui permet de lever les volets des guichets et de les refermer une fois la phase de jeu terminée. Ce mécanisme de levée des volets agit directement sur le marteau de la sonnerie, le faisant ainsi résonner chaque fois qu’une carte est levée. Difficulté supplémentaire, ce mécanisme parvient jusqu’au marteau en provenance de directions différentes, selon l’emplacement des guichets sur la montre. En tout, il a fallu loger quelques 501 éléments dans un boîtier de 45mm, en titane gris, titane PVD noir et or gris ou or rose. Christophe Claret espère à terme écouler environ 200 montres 21 Black Jack, dont le prix oscille entre 168’000.- et 198’000.- CHF selon les versions, limitées chacune à 21 pièces. Faites vos jeux. Rien ne va plus.

Source: Europa Star Première Vol.13, No 1