Premier grand rendez-vous international de l’année horlogère, le SIHH est devenu totalement incontournable car c’est là que se dessinent les grandes orientations de l’année à venir, que se devinent les ambitions, que se dévoilent les premières tendances. A cet égard, le SIHH fait figure à la fois de baromètre de la situation, de précieux indicateur et de premier prescripteur.
Autour de ce navire amiral, toute une flotte hétéroclite en profite pour mouiller alentours, occupant chaque petite crique et chaque ponton. Les suites des grands hôtels comme les arrière-salles sont réquisitionnées.
La chasse au détaillant peut commencer et sa date d’ouverture est sans cesse avancée. Si le SIHH ouvre officiellement ses portes le lundi matin, c’est dès le samedi précédent que commence le grand bal des limousines.
Sollicités de toutes parts, les grands acheteurs font le tour des sièges des manufactures genevoises et sont invités de façon pressante à se rendre dans les hôtels, les expositions privées, les boutiques.
Toute cette agitation n’est pas seulement le fait des grandes maisons ayant pignon sur rue. Peu à peu un off s’est installé au point de s’institutionnaliser, à l’image du GTE qui, cette année, tente de monter d’un cran dans l’échelle de la respectabilité. Que peut-on d’ores et déjà dire, ou prévoir, de cette édition 2012 de la grande semaine horlogère genevoise?
L’horlogerie, à l’image du monde, est dans une drôle de situation. Le souffle de la crise précédente – 2008 – est passé, les affaires ont repris de plus belle, le moteur chinois tourne à plein régime, aspirant tous les stocks disponibles, mais il traîne dans l’air comme des nappes diffuses d’inquiétude. On le sait bien, les commerçants, dans le monde entier, sont comme ça: quand les choses vont bien, ils ont peur que ça aille mal, et quand les choses vont mal, ils craignent que ça n’aille encore plus mal. Aujourd’hui que les choses vont statistiquement bien, ils sont donc inquiets: et si la Chine calait, et si l’euro se disloquait, et si les USA s’empêtraient?
A ces soucis économico-géo-stratégiques, s’ajoutent des facteurs d’inquiétude plus propres à l’industrie horlogère elle-même. On a ainsi l’impression que le darwinisme horloger s’accélère: les forts deviennent toujours plus forts et les petits, plutôt que de prendre de l’assurance, vont en s’affaiblissant; les groupes contrôlent la distribution de façon de plus en plus hégémonique, ne laissant que des miettes de vitrines aux plus modestes. L’édition 2012 du SIHH et la ronde de ses satellites nous diront si ce sentiment est fondé ou ne l’est pas. A cet égard, observons tout particulièrement ce qui se passera dans les couloirs du GTE, là où s’assemblent nombre d’ambitieux nouveaux venus. Le succès ou l’insuccès de ces marques hétéroclites nous aideront à mieux comprendre l’air du temps. Certes, les chiffres de ces maisons n’ont rien à voir avec ceux des grandes marques dominantes, mais c’est souvent par la marge qu’on parvient à mieux saisir ce qui se trame plus haut.
Source: Europa Star Première Vol.13, No 6