Au deuxième jour du SIHH, me remémorant toutes les montres qui m’étaient passées ce jour-là entre les mains, j’ai constaté que la plus abordable d’entre celles-ci valait 40’000 euros, soit le prix d’une bonne voiture (genre berline allemande). Quant à la plus chère, il est vrai intégralement couverte de diamants, je n’ai pas réussi à connaître son prix exact. Quand j’ai posé la question, on m’a adorablement répondu qu’il s’agissait d’un “prix prestigieux” (soit, j’imagine, l’équivalent d’une belle demeure, avec jardin, piscine et voiture de course dans le garage).
Ce jour-là, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la décadence de l’empire romain et aux folies d’un Héliogabale, conduisant son carrosse d’or tiré par quatre chevaux blancs dans les rues de Rome saupoudrées de poussière d’or.
On connaît la célèbre légende du roi Midas qui demanda au dieu Dionysos la faveur de pouvoir transformer en or tout ce qu’il touchait. Bien mal lui en pris car tous ses aliments se transformant à son contact en or, le pauvre homme allait mourir de faim. Suppliant son dieu de lui retirer le don qu’il lui avait accordé, il fut envoyé se laver les mains dans les eaux du fleuve “Pactole” (qui depuis, comme on le sait, regorge de petites paillettes d’or).
Ce “syndrome” de Midas ne serait-il pas en train de toucher la Haute Horlogerie? Pourrait-elle finir par s’étouffer sous son propre poids d’or? On peut décemment se poser la question, tout comme on peut se demander si l’on n’assiste pas ainsi à la naissance d’une nouvelle bulle...
Mais on peut tout aussi bien se dire que ce n’est là, pour grande partie, qu’effet médiatique. Aux plus de 1200 journalistes accrédités, les marques aiment à montrer avant tout la crème de leur production. Montres endiamantées, folies mécaniques, exercices de style se succèdent sous nos yeux ébahis. Mais, au bout du compte, est-ce là vraiment ce qui compte? Ces montres de tous les excès tiennent le haut du pavé, sont reproduites et commentées à l’infini, essaiment dans la grande toile virtuelle où elles font le buzz, mais est-ce vraiment là l’essentiel du business? Le bread and butter de l’industrie n’est-il pas ailleurs? Plutôt que concentré dans les seules mains de Midas, ne se trouverait-il pas dilué en mille paillettes plus modestes qui brillent dans les eaux du fleuve “Pactole”?
Quoiqu’il en soit, nous avons emprunté à Midas quelques uns de ses trésors et extrait du fleuve quelques plus modestes pépites que nous vous présentons dans le numéro d’Europa Star Février/Mars 2013.
Source: Europa Star Première Vol.15, No 1