premiere


Tian Wang - La célèbre inconnue

February 2013


«Tian Wang tells you the time», un slogan répété des milliers de fois depuis 1990 juste avant les news de la Télévision Centrale Chinoise. Osons dire que tous les Chinois connaissent la marque! A notre tour…

Un million de montres bracelets vendues l’an passé et pourtant, Tian Wang reste une marque discrète, secrète, sans grande histoire ni véritable image. Sa force se situe ailleurs, dans la maîtrise de sa filière, depuis la production jusqu’à la distribution. Sans intermédiaires, Tian Wang s’approvisionne, fabrique et vend elle-même. Europa Star s’est rendu au siège de Tian Wang Watch Co, à Shenzhen, pour une visite très instructive.

Positionnement
Europa Star s’est déjà invité chez les «grands» de l’horlogerie chinoise. Sea-Gull est certainement le plus gros producteur de mouvements automatiques au monde (4 millions de calibres par an) et sa nouvelle usine dans la zone industrielle de Tianjin n’a pas à rougir face à celle d’Airbus, son voisin. Fiyta est sans doute la marque la plus moderne puisque le «chronométreur officiel du programme spatial chinois» mise énormément sur le design et les matériaux high-tech. Mais en Chine, une montre sur quatre vendue est marquée Ebohr ou Rossini, le duo le plus ambitieux, aidé par une bonne qualité de fabrication et un réseau tentaculaire de 2900 points de vente! Le propriétaire est le groupe hongkongais China Haidian qui est aussi le plus impliqué en Suisse, ayant financé CodeX (2010) puis racheté Eterna et Porsche Design (2011). Toutefois, la plus «suisse» des chinoises est incontestablement la petite Beijing Watch Factory, pionnier national du tourbillon et des cadrans émaillés. Exception qui confirme la règle, le patron n’a pas d’autre ambition que de faire de bonnes montres 100% manufacture et quasiment sur mesure. Et Tian Wang? Depuis 2008, elle a doublé ses ventes, se hissant quatrième dans le peloton des marques chinoises.

Tian Wang - La célèbre inconnue

Histoire
Tian Wang signifie «empereur», nom qui sied à son ambition de devenir, à terme, le numéro 1 du marché chinois. «Notez le logo en forme de couronne!», relève GuangLei Deng, directeur du marketing et membre du directoire de la marque, fondée en 1988 à Shenzhen. Toutefois, les origines de Tian Wang remontent à 1980, lorsque deux entrepreneurs de Hong Kong créent la Winning Metal Products Manufacturing Company Limited (WMP), spécialisée dans le commerce de mouvements horlogers et la distribution de marques célèbres telles que Seiko/Epson, Citizen/Miyota, Ricoh (Japon), Timex (USA), Ronda, ISA/Prestige Time et Swatch/ETA (Suisse) et Epoch/Technotime (Chine/France). En face de Hong Kong, en Chine continentale, un petit village de pêcheurs nommé «深圳» – phonétiquement ShenZhen – est désigné par Pékin pour devenir la première «Zone Economique Spéciale», autrement dit un paradis capitaliste, concrétisant ainsi sa nouvelle politique: «Un pays, deux systèmes». Jamais, dans l’ère industrielle, une ville n’a connu une telle croissance sur une aussi courte période, passant de quelques milliers de villageois en 1979 à une mégalopole de 10,5 millions d’habitants lors du recensement de 2011. Et encore, sans compter sa banlieue industrielle…
A l’époque, les Chinois rêvent d’avoir les «3 qui tournent»: bicyclette, machine à coudre et montre. La méfiance initiale des Hongkongais cède enfin la place à l’enthousiasme et ses fabricants de composants horlogers investissent en masse dans la production EOM à Shenzhen. D’ailleurs, si aujourd’hui Hong Kong est le premier marché mondial de l’horlogerie suisse, la Suisse est aussi le premier pays d’exportation de produits horlogers pour Hong Kong, autrement dit de composants «made in Shenzhen»! Quoi qu’il en soit, c’est dans ce contexte qu’est née Tian Wang, «fondée dans l’esprit de développer, sur le long terme, une véritable marque horlogère», précise Deng.

Croissance
Vingt-quatre ans après, Tian Wang possède 1200 points de vente qu’elle gère elle-même, principalement sous forme de stands dans les centres commerciaux. «Pour 2012, nous tablons sur 1,2 à 1,3 million de montres vendues», ajoute le manager. La collection démarre à 1000 yuans (150 francs) et culmine à 10 000 yuans (1500 francs) et Deng prétend que le prix de vente moyen s’élève à 1700 yuans (250 francs). Mais monsieur Deng oublie-t-il les extrémités car la collection Tourbillon va de 10 000 à 25 000 yuans (1500 à 3750 francs) et les modèles de base débutent à quelques 200 yuans (30 francs) déjà. La clientèle Tian Wang serait-elle différente des autres, est-elle prête à mettre le prix pour un produit national, animée d’une fibre patriotique? «Je ne crois pas, nous répondons seulement aux attentes de la clientèle en termes de service, de style et de culture», rétorque le directeur, surpris par notre question. Le profil du client type est un Chinois de classe moyenne, col blanc ou homme d’affaires, «majoritairement de sexe masculin car les femmes sont davantage orientées ’fashion’ ce qui ne correspond guère à notre style».

Tian Wang - La célèbre inconnue

Made in Japan
Ces dernières années, à l’instar des autres horlogers chinois, Tian Wang sent monter un engouement du public pour les mouvements automatiques, au détriment du quartz. «Ils équipent désormais 45% de nos modèles», affirme Deng. Ils proviennent de chez Citizen ou Seiko, alors que les mouvements à quartz sont de fabrication locale. Quant au tourbillon, le directeur refuse de nous donner son origine: «C’est un secret commercial!» Secret de Polichinelle puisque nous savons tous qu’il est forcément d’origine chinoise… De plus, un tourbillon chinois dans une montre chinoise, c’est cohérent, alors pourquoi ne pas faire de même avec les calibres automatiques dont la production gagne en qualité? Pas suffisant pour Deng, «Nous manquons d’expérience à tout niveau: planification industrielle, stimulation de talents horlogers, réservoir de main-d’œuvre qualifiée, formation performante, outillage perfectionné et soutien gouvernemental». Mais la course à la précision a déjà commencé: «Dans le cadre d’une coopération, nous équipons certains modèles de mouvements chinois que nous améliorons constamment».

Les suisses dans le viseur
A l’instar des quatre ou cinq grandes marques chinoises, Tian Wang a placé des objectifs dès sa fondation: «Notre patron hongkongais de l’époque avait une vision très claire de la manière dont devait se développer la marque et, très tôt, a introduit la notion de ’branding’», explique Deng. En élève appliqué, la firme a systématiquement réinvesti une partie du bénéfice dans la R&D et dans l’image de marque. «Mais vous savez, entre les marques chinoises, il n’y a pas de rivalité car nos concurrents à tous, ce sont les marques suisses qui jouissent d’un grand savoir-faire et d’un marketing puissant», insiste-t-il. Tian Wang offre quatorze collections, assez distinctes les unes des autres en termes de style et de technique, allant du quartz au tourbillon en passant par l’automatique et la radio-pilotée. «L’évolution du pays conduit effectivement à une modification des goûts vers toujours plus d’individualisme. Nos collections classiques sont désormais complétées par de nouvelles gammes plus audacieuses». Avec une telle évolution, «L’empereur» se prépare-t-il à conquérir les marchés internationaux? «Nous aimerions bien, mais il faut scrupuleusement s’y préparer en se posant une question fondamentale: les étrangers accepteraient-ils notre marque? Pour y répondre, nous devrions mener des études poussées afin de savoir sur quels aspects nous devons nous adapter», conclut sagement notre accompagnateur.

Tian Wang - La célèbre inconnue

Tian Wang, de Hong Kong à Singapour via la Suisse!

  • 1980 – Messieurs Koon Ming Tung et Koon Kwok Ming fondent la Winning Metal Products Manufacturing Company Limited (WMP) qui se lance dans le commerce de mouvements horlogers et distribue de marques célèbres telles que Seiko/Epson, Citizen/Miyota, Ricoh (Japon), Timex (USA), Ronda, ISA/Prestige Time et Swatch/ETA (Suisse) et Epoch/Technotime (Chine/France).
  • 1988 – WMP lance «Tian Wang», sa propre marque de montres qu’elle dessine et produit. Le premier point de vent s’ouvre à Canton suivi, en 1989, d’un deuxième à Shanghai. Aujourd’hui, Tian Wang est distribuée par 1200 points de vente.
  • 2005 – WMP introduit la marque suisse Balco en République populaire de Chine où elle compte 200 points de vente.
  • 2006 – Suite à une prise de contrôle inversée WMP devient la Wee Poh Holdings Ltd, entreprise de construction cotée à la bourse de Singapour. A partir de ce moment-là, cette société se consacrera uniquement à l’horlogerie en visant principalement la classe moyenne chinoise, estimée à 600 millions d’individus.
  • 2006 – Wee Poh s’empare de 51% du capital de la manufacture et importateur de Hong Kong East Base Ltd et de la suisse Tick Tack AG dont la présence est forte en Europe et en Asie grâce à sa marque Police. La holding Wee Poh est rebaptisée Time Watch Investments Ltd (TWI).
  • 2007 – TWI s’assure l’exclusivité de la distribution en Chine de la marque Police, montres et lunettes.
  • 2008 – Tian Wang lance la série limitée 20th Anniversary en or 18 carats et mouvement suisse.

Source: Europa Star Première Vol.15, No1