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LETTER FROM CHINA - 24e foire horlogère de Shenzhen - Trois devant et tous derrière

August 2013


A la Clock & Watch Fair de Shenzhen, on rit beaucoup, on commerce pas mal, on s’agace parfois mais on ne s’émerveille guère... Et pourtant, cette foire représente, en volume, la plus grande industrie horlogère du monde.

Pour les journalistes, la foire débute par une journée entière à écouter des conférences. Si les intervenants changent chaque année, le thème est récurrent: comprendre et reproduire le succès du «Swiss made». Car à quoi bon fabriquer 771 millions de montres d’une valeur unitaire de 4,40 francs en sachant qu’en réalité, toutes les entreprises sont subventionnées d’une manière ou d’une autre par l’Etat. Sans compter que la moitié de cette production (365 millions) est équipée de mouvements importés! Ainsi, pour devenir réellement et globalement compétitive, les marques chinoises sont condamnées à monter en gamme. Mais rares sont celles à faire les seuls et véritables efforts pour y parvenir: investir en recherche et développement et ressusciter l’esprit créatif chinois.

A nos yeux, il n’y a que trois marques ayant ce potentiel: Sea-Gull, Fiyta et Beijing Watch Factory. Mais où sont Ebohr et Rossini, deux marques du groupe China Haidian, leader du marché? Absentes à cause d’un litige sur l’emplacement alloué, «Mais elles seront présentes en 2014», assurent les organisateurs gênés.

LETTER FROM CHINA - 24e foire horlogère de Shenzhen - Trois devant et tous derrière

 A mourir de…

Arpenter les allées de la foire de Shenzhen, c’est prendre le risque de se décrocher la mâchoire à vouloir absolument prononcer certaines marques, telles que «Runosd» «Rhythm», «Tierxda» ou encore «Aeeme». Ou en pouffant de rire face à l’outrecuidance rare de certains labels comme «Starking», «Van Gogh Watch», «Berze, Castle of time», «Royal Crown», «Olympic Star», «Princess Windsor», «Elegangs» sans oublier «Patron Paris». Jeu plus subtil, du moins pour les 1500 visiteurs étrangers, consistant à deviner le véritable nom chinois de «Binli» (宾利 – caractères et prononciation identiques à «Bentley»), de «LeiNuo» (雷诺– Renault) ou de «Tophill» (陀翡利迩, prononcé «TuoFeiLiEr», soit «tourbillon»). Oui, cette parodie industrielle représente l’écrasante majorité de la production chinoise, dirigée par une ambition gonflée à bloc mais avec une culture raplapla. Un exemple? «Ah ah, vous n’avez jamais vu ça en Suisse?», me lance le manager de Zhongshi Watch en exhibant ses montres en bois de marque Bewell. En apprenant que l’idée avait des siècles et que Tissot l’avait réinterprété en grande série en 1988 en lançant la Wood Watch, l’homme découvre presque que la terre est ronde…

Du côté des fournisseurs de mouvements, on rigole moins. A l’instar de Shanghai Watch Factory, Hangzhou Watch Factory produit des tourbillons et comme le premier, le manager fuit la presse comme la peste car il veut garder secret le nom de ses clients. Parions qu’avec un badge «Business», nous aurions été invités à boire le thé!

Quant au café, il est excellent sur le Swiss Pavillon qui accueille moins de participants, au regret d’Amarildo Pilo. Le responsable impute les quelques désistements à l’édition tardive du BaselWorld et à son succès relatif: «A Bâle, on a parlé d’année record et de triomphe. Oui mais uniquement pour les grands groupes, pas pour les petites marques! De nouveaux participants se sont bien annoncés, mais trop tard». Du côté des organisateurs, on aimerait que le Swiss Pavillon se transforme en vitrine de la culture suisse, au sens plus large. Chouette, en 2014, on aura peut-être du chocolat pour accompagner le café!

 Complications chinoises

Quand on apprend que seuls 4,4% des 771 millions de montres chinoises ont un mouvement mécanique, mais qui représentent 13% de la valeur globale et que la clientèle en redemande, on comprend que Sea-Gull ait définitivement abandonné le quartz. La star du stand, c’est le modèle de présérie ST8520, un tourbillon baptisé «multi-axial», implanté à 9 heures derrière sa propre lunette bombée. Le tourbillon qui fait un tour en 60 secondes pivote sur un arbre coaxial qui tourne en une semaine, lui-même tournoyant sur un troisième axe qui fait une rotation en 2 minutes et 30 secondes. Le mouvement d’un diamètre de 33,8 mm et d’une épaisseur de 6,35 mm, totalise 144 pièces. Cadencé à 21 600 semi-oscillations, il affiche une réserve de marche de 55 heures.

BEIJING WATCH FACTORY
BEIJING WATCH FACTORY
FIYTA
FIYTA

TIANBA
TIANBA

La Beijing Watch Factory (BWF) lance le second modèle à tourbillon bi-axial, mouvement réalisé par Xushu Ma, un génial autodidacte présent à l’Académie des horlogers indépendants, à BaselWorld 2013.

Contrairement à Sea-Gull et BWF, Fiyta n’est pas une manufacture au sens propre car elle utilise des calibres japonais, suisses ou des tourbillons chinois. En revanche, c’est bien la plus active en termes de design et marketing. La preuve, pour fêter les dix ans du premier voyage spatial chinois habité, la marque de Shenzhen lance un modèle très original par son cadran en argent représentant la surface de la lune. Le PDG, Bruce Du, est enthousiaste: «Limité à 100 exemplaires, nous en avons déjà vendu 83 le premier jour de la foire!». Notre cœur balance aussi pour un modèle noir et vert dont le cadran à deux dimensions permet de lire l’heure au volant. «C’est encore un prototype», précise le patron.

SEA-GULL
SEA-GULL

Terminons par une marque «ancienne» pour la Chine (fondée en 1982) et dont nous n’avons jamais parlé: Tianba. Ses magnifiques modèles homme/femme à boîtier en jade vert mettent enfin à l’honneur la culture chinoise. Dans cette optique, on regretterait presque que son mouvement soit suisse…

 La Chine horlogère 2012 en chiffres

  • Visiteurs de la foire de Shenzhen: environ 20 000 dont 1500 étrangers
  • Production de montres complètes: 771 millions d’unités
  • Proportion quartz/mécanique: 95,6/4,4%
  • Valeur: 22,3 milliards de yuans (3,4 milliards de francs)
  • Exportation de montres complètes: 679 millions d’unités (–2,7%)
  • Exportation de montres mécaniques: 19 millions d’unités (+217%)
  • Valeur d’exportation: 1,945 milliard de dollars US (+20.9%)
  • Production de mouvements: 674 millions d’unités
  • Importation/exportation de mouvements: 365/268 millions d’unités
  • Importation de montres complètes: 13 millions d’unités (+2,6%)
  • Valeur: 2,312 milliards de dollars US (–5,6%)
  • Importation de montres mécaniques: 2 millions (+1,6%)
  • Valeur: 1,616 milliard de dollars US (–2,5%)
  • Principaux pays d’exportation (ordre décroissant): Hong Kong (33%), Etats-Unis (11%), Japon (6%), Allemagne, Indonésie, Bengladesh, Myanmar, Emirats Arabes Unis, Malaisie, Angleterre, Arabie Saoudite, Inde, Suisse, Espagne, Pays-Bas, France, Cambodge, Russie, Sri Lanka et Brésil.

Source: Europa Star August - September 2013 Magazine Issue