La rumeur a couru pendant des mois : Richard Mille serait à vendre. Le démenti est venu au cours du salon Watches & Wonders tenu fin septembre à Hong Kong, de la bouche même de son fondateur (qui détient personnellement 90% de l’entreprise, les 10% restants étant propriété d’Audemars Piguet) : “Cette question n’est plus d’actualité !”, a affirmé Richard Mille dans une interview accordée au Journal de la Fondation de la Haute Horlogerie, avouant au passage qu’il est « allé loin dans les négociations car il y a des offres qu’il serait criminel de ne pas considérer, surtout si l’on pense à la pérennité de la marque. Mais je dois bien avouer que lorsqu’une dizaine de “spécialistes” ont débarqué chez nous pour faire l’analyse de la société, je me suis rendu compte qu’une intégration dans une grande structure ne correspondait pas du tout à l’esprit de l’entreprise. Rendre des comptes n’est pas mon fort. D’autant que j’aurais dû rester plusieurs années pour assurer la transition. Une forme de prise en otage qui ne signifie pas nécessairement que j’aurais développé le syndrome de Stockholm ! Donc, pour l’instant, la page est tournée !"
Les émissaires de Kering, ex-PPR, qui cherche à accroître son portefeuille de marques horlogères (Gucci, Boucheron, Girard-Perregaux, JeanRichard) sont donc revenus bredouilles. C’est sans doute une bonne nouvelle pour les amateurs de haute horlogerie d’avant-garde, non pas parce que Kering serait incompétent mais parce que l’originalité de l’offre de Richard Mille, créé il y a 13 ans seulement, est génétiquement liée à la personnalité, aux passions et aux rêves de son fondateur. C’est cette identité unique – au croisement de la vitesse, de la technicité, de la passion pour les nouveaux matériaux, du non-conformisme esthétique – qui a fait le succès fulgurant d’une marque comme surgie de nulle part, tant sur le plan du chiffre d’affaires (112 millions en 2012 pour 2500 montres, 3000 montres sans doute en 2013) qu’en termes d’influence. Car Richard Mille, en pionnier d’une horlogerie libérée des codes classiques les plus contraignants, a pavé la voie de nombre de jeunes marques qui, en l’absence de son exemple, n’auraient sans doute pas trouvé le même écho.
Tactiquement, Richard Mille opère aussi de façon non-conformiste. Régulièrement, explique-t-il, il “tire un missile hyper technique pour mieux se replier et concocter un nouveau plan d’attaque. C’est pourquoi, ajoute-t-il en filant la métaphore militaire, il est très important de ne rien s’interdire (…) A partir d’un concept initial, validé dans les grandes lignes, nous démarrons sans nous poser trop de questions quant à la faisabilité du projet. Cela peut certes réserver certaines surprises. Notre montre d’aviateur, qui comprend plus de 1 000 composants, a ainsi pris deux ans de retard.” Une formidable liberté, donc, qui ne saurait s’exercer de la même façon à l’intérieur d’un groupe, quel qu’il soit, où chaque avancée est précisément mesurée, où chaque risque doit être minimisé. Alors que ce diable d’homme semble à chaque fois les maximiser.
La montre automatique RM 011 Carbone NTPT®
Récente illustration de ces défis que Richard Mille se lance à lui-même, l’utilisation d’un nouveau matériau, totalement inédit en horlogerie, le carbone NTPT® (North Thin Ply Technology). Il s’agit d’un carbone constitué de multiples couches de filaments parallèles d’une épaisseur chacune de 30 microns au maximum, qui sont imprégnées de résine avant d’être tissées de façon à ce que l’orientation du tissage soit modifiée de 45° entre chaque couche. Ce tissage particulier est ensuite chauffé à 120°, à une pression de 6 bars, avant d’être usiné sur CNC. Visuellement, ce carbone NTPT® offre une belle surface moirée, marquée de lignes ondulées très régulières. Avant de faire son entrée en horlogerie, ce carbone d’un nouveau type a été utilisé dans la fabrication de voiles de bateaux de course et, depuis deux saisons seulement, dans la construction de châssis de F1, ou encore en aéronautique (il entrera dans la composition du fuselage du prochain Solar Impulse 2). Car, par rapport aux autres matériaux composites, le carbone NTPT® améliore les contraintes de rupture de 25% et de 200% les risques de microfissures.
- RM 011 NTPT® carbon self-winding watch by Richard Mille
Dans la nouvelle montre automatique RM 011, ce carbone NTPT® abrite le calibre automatique RMAC1, entièrement usiné dans du titane. Un mouvement chronographe flyback, avec grande date à 12h et affichage du mois à 4h, qui possède une remarquable réserve de marche de 55 heures, obtenue grâce à son double barillet remonté par un rotor à géométrie variable. Un “missile” de plus.
Source: Europa Star Decembre - January 2013/14 Magazine Issue