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DANS LES GRANDS HÔTELS GENEVOIS… De Bethune, F.P. Journe, Hublot, Christophe Claret

February 2014


Tandis que la grande messe de la Haute Horlogerie se déroulait au SIHH, non loin de l’aéroport de Genève, il fallait essaimer dans les grands hôtels du bord du lac ou dans les manufactures avoisinantes pour compléter cette moisson saisonnière. En dépit de l’annulation du salon des indépendants GTE (lire notre éditorial du numéro Europa Star 6/13), nombre de marques avaient fait le déplacement pour profiter de la venue à Genève d’environ 1’300 journalistes et de plusieurs milliers de professionnels divers (agents, distributeurs, détaillants plus ou moins “captifs”).

Petit tour d’horizon.

 DE BETHUNE au sommet

Une des plus brillantes démonstrations d’excellence à la fois horlogère et esthétique est à trouver chez De Bethune. Décidemment l’association entre l’expert horloger et grand esthète italien David Zanetta et l’horloger Denis Flageollet donne pièce après pièce naissance à une approche horlogère à nulle autre pareille. “Tradition et innovation” est un des slogans les plus répandus chez la plupart de marques, au point d’être devenu un banal lieu commun. Mais chez De Bethune, cette tension entre l’héritage de la grande horlogerie traditionnelle du XVIIIème siècle et l’innovation aussi bien technique que formelle prend de véritables allures de manifeste pour une horlogerie du XXIème siècle.

DB28 Digitale by De Bethune
DB28 Digitale by De Bethune

Prenez par exemple la dernière DB28 Digitale. L’inspiration créatrice provient directement des belles pendules Directoire de la fin du XVIIIème mais l’agencement des indications en fait une montre ultra-contemporaine et d’un somptueux dépouillement. Ce qui frappe immédiatement est la beauté et la finesse du cadran argenté au guillochage grain d’orge circulaire, une technique manuelle qui était historiquement réservée aux fonds de boîtes. Au centre de ce cadran guilloché trône une lune sphérique entourée d’un disque bleu piqué de quelques petites étoiles. Cette lune sphérique dont un hémisphère est de palladium poli miroir et l’autre d’acier bleui est de grande précision: un jour lunaire tous les 1112 ans. Au-dessus s’ouvre le large guichet des heures sautantes surmonté d’un disque des minutes qui apparaît dans une ouverture périphérique elle-même coiffée d’une voûte céleste bleue. C’est tout – et c’est tout simplement magnifique.

Pour animer cette DB28 Digitale, Denis Flageollet a choisi un mouvement qu’il qualifie lui-même de “simple”. Il n’empêche que ce mouvement “simple”, qu’on peut admirer au dos de la montre, incorpore pas moins de 7 des innovations brevetées de la marque portant notamment sur double barillet autorégulateur, le balancier circulaire en silicium et or gris, le triple pare-chute, la courbe terminale plate du spiral, sans parler de la lune sphérique, ou des berceaux mobiles munis d’un ressort qui permettent d’ajuster millimétriquement au poignet cette montre d’une grande légèreté (boîtier en titane poli miroir).

Dream Watch 5 by De Bethune
Dream Watch 5 by De Bethune

Autre montre très étonnante proposée par De Bethune: la Dream Watch 5. Ce n’est ni une montre dans le sens traditionnel du terme, ni une machine pour grand garçon comme en propose MB&F, mais une véritable sculpture à porter au poignet. “Un des buts de nos Dream Watches, explique Denis Flageollet, est de se faire plaisir à explorer les formes, de se laisser un peu aller à rêver. C’est d’une certaine façon plus un travail de bijoutier que d’horloger proprement dit, bien que techniquement, la tâche soit ardue car l’espace laissé par cette forme deltoïde bombée en titane poli est extrêmement restreint. Le mouvement est donc très réduit, avec une heure sautante et des minutes traînantes, sans compter une lune discrète, tranquille.”

La Dream Watch 5, avec ses lignes tendues, ses reliefs profilés, son gros rubis en cabochon sur la couronne, est tout en douceur et en courbes aérodynamiques. Une montre à toucher, à caresser aussi bien qu’à porter et à lire.

A Bâle, De Bethune présentera une troisième montre étonnante: un chronographe monopoussoir bourré d’innovations techniques mais d’une lisibilité à nulle autre pareille (à découvrir dans le prochain numéro d’Europa Star, Spécial Baselworld).

 F.P. JOURNE brise le tabou du quartz

Il l’avait annoncé, il l’a fait. François-Paul Journe, un des horlogers qui a fortement contribué à la renaissance de la grande horlogerie mécanique, avec ses pièces de facture hyper traditionnelle et inspirées de l’horlogerie du Grand Siècle, brise un des tabous de la Haute Horlogerie en utilisant le quartz. Il franchit ce pas – qui fait hurler nombre des “gardiens du temple” horloger – à l’occasion de la sortie de sa première collection exclusivement féminine, baptisée “élégante”.

Elégante by F.P. Journe
Elégante by F.P. Journe

DANS LES GRANDS HÔTELS GENEVOIS… De Bethune, F.P. Journe, Hublot, Christophe Claret

Comme il le dit lui-même, “j’ai voulu faire une montre féminine sympathique, élégante, agréable à porter, simple d’utilisation. Le quartz s’est alors imposé. Mais pas n’importe quel quartz, un quartz de luxe, tant techniquement que dans ses finitions. Ce ne fut pas une tâche aussi aisée qu’on aurait pu l’imaginer: 8 ans de recherches ont été nécessaires pour mettre au point cette montre. Le mouvement a été entièrement développé chez nous, un module quartz très spécifique a été conçu en Suisse et le tout est emboîté ici. En réalité, l’élégante offre aujourd’hui le seul mouvement électromécanique conçu et fait pour le luxe, avec une vraie vision du luxe.”

Mais qu’a donc ce mouvement de si particulier? A travers un petit orifice aménagé à 5 h sur le cadran, on découvre un détecteur mécanique des mouvements du porteur de la montre. Grâce à ce détecteur, lorsque la montre n’est plus portée, elle s’arrête au bout d’une trentaine de minutes. Mais durant cette mise en veille complète de la montre, à l’intérieur de laquelle plus rien ne bouge, le micro-processeur continue à comptabiliser le temps. Ainsi, à peine reprend-t-on la montre en mains, celle-ci se remet à l’heure immédiatement par le plus court chemin, horaire ou anti-horaire, que cette pause ait duré quelques heures ou quelques années. Du coup, grâce aussi à une pile de grande dimension, l’élégante a une durée d’autonomie qui est de dix ans, voire 18 ans en mode veille!

Ce mouvement quartz – calibre 1210 “Geneva Made” -, visible à travers le fond saphir a été traité comme s’il s’agissait d’un “noble” mouvement mécanique. Jusqu’au circuit imprimé, dont le tracé a été dessiné de façon à former des volutes dorées qui se rencontrent autour d’un cœur déposé sur l’emplacement même du micro-processeur.

Le boîtier de forme “tortue plate” est d’une grande élégance et le cadran d’un classicisme tout “journien”. Autre “tabou” franchi, la montre est proposée en titane avec caoutchouc cloisonné de 7 couleurs différentes et assorti d’un bracelet caoutchouc. En or rouge, en platine ou encore en versions joaillières. Autre innovation, la version titane est équipée d’un cadran intégralement luminescent. De nuit, c’est tout le cadran traité Superluminova qui s’illumine, les aiguilles se lisant en ombre.

Son prix: 12’000.- euros hors taxes pour le premier modèle. Le tabou est brisé. Le pari sera-t-il gagné? Réponse dans les mois qui viennent.

 HUBLOT, la Swatch du luxe

Chez Hublot, qui squatte quasiment tout un étage du grand hôtel Kempinski de Genève, l’heure est comme d’habitude à l’activité bourdonnante. Les collections ne cessent de circuler entre les groupes d’acheteurs, de détaillants, de journalistes qui se pressent de tous côtés.

On ne compte plus le nombre de déclinaisons de la Big Bang qui démontre saison après saison – voire semaine après semaine au rythme de sortie des nouveautés - l’incroyable versatilité de cette montre qui encaisse tous les traitements qu’on lui fait subir, à tel point qu’elle est devenue une sorte de Swatch de luxe (40’000 montres écoulées en 2013, nous annonce-t-on, dont le chiffre hallucinant de 400 tourbillons).

Big Bang Pop Art by Hublot
Big Bang Pop Art by Hublot

Cette saison, la Big Bang se fait toute warholienne, avec la série des ultra-colorées Pop Art, rock avec les modèles Depêche Mode, décontractée, avec les variations autour du denim à l’image de la nouvelle Big Bang Dark Jeans Ceramic 44 mm, sombrement puissante avec la Big Bang Unico “All Black” ou de forme tonneau avec la “Spirit of Big Bang”.

Côté motorisation, la Big Bang Unico “All Black”, éditée à 500 exemplaires, est un puissant chronographe de 45,5 mm équipé du mouvement chrono flyback fait maison Unico. Intégralement conçu, développé, usiné et assemblé dans la manufacture Hublot, ce mouvement est doté d’un mécanisme à double embrayage horizontal – et non pas vertical, comme dans la plupart des cas – avec roue à colonnes visible depuis le côté du cadran. Autre avancée, ancre et roue d’échappement sont en silicium et de nombreux composants (sur un total de 330) sont en Liga Technique.

Big Bang Unico “All Black” by Hublot
Big Bang Unico “All Black” by Hublot

Quant à l’étonnante Spirit of Big Bang de forme tonneau, sa boîte reprend le principe de “sandwich” qui, en permettant de se jouer des matériaux et des couleurs, est à l’origine même de cette fameuse versatilité de la Big Bang. Tout a été fait au niveau du design pour que l’esprit de la Big Bang se retrouve dans cette forme inhabituelle.

Spirit of Big Bang by Hublot
Spirit of Big Bang by Hublot

A l’intérieur, c’est un très performant Zenith El Primero qui bat la mesure (36’000 alt/h). Mais ce mouvement historique a été entièrement “hublotisé”, tant dans son architecture que dans ses finitions. Faut-il y voir les prémices de futures “fusions”, maintenant que Jean-Claude Biver a été propulsé à la tête de la division horlogère de LVMH, avec la haute main non seulement sur Hublot mais également sur Zenith et TAG Heuer?

 Avec sa Poker, CHRISTOPHE CLARET bluffe son monde

“Haute Horlogerie interactive”, c’est sous ce vocable que Christophe Claret présente ses montres ludiques non seulement dédiées au monde du jeu mais permettant effectivement de jouer. On a vu apparaître au cours des dernières années la 21 Blackjack, puis la Baccara. Voici venu le tour de sa réalisation la plus complexe, la montre Poker. Une véritable “usine à gaz” mécanique automatique comportant pas moins de 655 composants et renfermant un jeu complet de 52 minuscules cartes qui permettent à trois joueurs de jouer au Texas Hold’em selon les strictes règles de l’art.

Poker Watch by Christophe Claret
Poker Watch by Christophe Claret

La montre combine 32’768 combinaisons de jeu, soit 98’304 pour trois joueurs. Et le “mécanicien en chef” nous assure que “les possibilités de gain ont été calculées de sorte que tous aient sensiblement les mêmes chances de l’emporter.” Un véritable exploit mécanique, à n’en pas douter.

Tout commence par la distribution de deux cartes “fermées” à chaque joueur. Ces deux premières cartes apparaissent à 1h30, 6h et 10h30 sous un fin grillage judicieusement orienté pour empêcher chaque joueur de voir les cartes de ses compagnons de jeu. Puis s’ajoutent progressivement 5 cartes ouvertes, visibles par tous. Le joueur qui a la meilleure combinaison de 5 cartes, parmi les 7 dont il dispose, remporte la mise.

Les cartes sont imprimées sur quatre disques concentriques, dont un en saphir, montés sur roulements à billes en céramique ou en rubis. Des sautoirs viennent les immobiliser au hasard. Spécialiste des montres à sonnerie, Christophe Claret a poussé la sophistication jusqu’à faire résonner un timbre cathédrale qui retentit à chaque pression des différents poussoirs qui permettent d’actionner les phases successives du jeu. Tout dans la montre évoque l’univers du casino, comme, par exemple, le dos de la montre dont la masse oscillante est en forme de roulette. Il y a même une pinup dissimulée sur le verre saphir de la montre qui n’apparaît que par la buée qui se forme quand on souffle dessus…

Limitée à 20 exemplaires, la Poker ne s’adresse qu’à ceux dont les gains ont déjà fait “sauter la banque”.

Source: Europa Star February - March 2014 Magazine Issue