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En couverture du Magazine Europa Star Juin/Juillet 2014: URWERK - Dark Knight et Iron Knight, vigoureuse rencontre entre passé et futur

June 2014


La «nouvelle horlogerie» doit beaucoup à URWERK dont les différentes réalisations pionnières ont, dès 1997, fortement marqué les esprits. En renouvelant de façon profonde les formes traditionnelles des garde-temps, en proposant de très innovants types d’affichage des heures et des minutes par satellites, URWERK semblait rompre radicalement avec le classicisme de la rondeur et la prééminence des aiguilles centrales.

En couverture du Magazine Europa Star Juin/Juillet 2014: URWERK - Dark Knight et Iron Knight, vigoureuse rencontre entre passé et futur

Mais si cette horlogerie fut immédiatement catégorisée comme étant à la pointe de la contemporanéité, voire carrément «futuriste», c’était oublier trop rapidement ses profondes racines historiques qui font remonter sa genèse au XVIIème siècle.

Car l’horlogerie d’URWERK, aussi en rupture semble-t-elle apparemment, doit beaucoup à l’horlogerie historique. Plus précisément aux frères Campani (ou Campanus) qui, en 1682, présentèrent au Pape Innocent XI une horloge de nuit révolutionnaire. Celui-ci désirait en effet pouvoir lire l’heure à toute heure de la nuit, sans devoir pour ce faire allumer une bougie ou une lampe. L’innovation signée Petrus Thomas Campanus inventor Roma 1682 fut de placer une lampe à huile à l’intérieur du cabinet de bois d’une horloge. Celle-ci illumine en transparence les chiffres des heures qui sont ajourés dans des disques rotatifs. Chaque chiffre d’heure apparaît à son tour dans une découpe en forme d’arc semi-circulaire taillée dans la porte du cabinet de l’horloge, découpe qu’il parcourt au fil de l’heure, indiquant les minutes par sa simple position dans l’arc de cercle (à l’image symbolique d’un soleil se levant, voyageant dans la voûte céleste avant d’aller se coucher à l’autre bout du demi-cercle). Quand un chiffre d’heure disparaît sur la droite de l’arc de cercle, la nouvelle heure apparaît à l’autre extrémité pour entamer à son tour son parcours.

Pour parvenir à réaliser ce brillant concept, les horlogers du XVIIIème siècle inventèrent le système de satellite horaire, popularisé sous le nom «d’heure vagabonde» (wandering hour) et qui connut son heure de gloire au temps de la montre de poche. Dans sa forme usuelle, les 12 heures sont divisées en trois fois 4 heures (1, 4, 7 10; 2, 5, 8, 11; 3, 6, 9, 12) inscrites sur trois disques différents. Chaque heure apparaît à son tour cheminant le long de l’arc de cercle gradué en minutes: un système qui combine donc déplacement analogique et affichage digital, tout en offrant une parfaite lecture intuitive de l’heure qu’il est.

Une réinterprétation formelle et technique

C’est ce principe de base qu’URWERK réinterprète de façon radicalement contemporaine tout en lui apportant une sophistication supplémentaire et un degré de technicité et de précision jusqu’alors jamais atteint par une «heure vagabonde». Lancée en 2003, la UR-103, «première montre URWERK a être totalement respectée et enfin comprise par le marché» comme l’affirme Félix Baumgartner, l’âme horlogère d’URWERK dont il est le cofondateur avec le designer Martin Frei, mettait déjà en oeuvre ce principe satellitaire. Dans la UR-103, les 12 heures sont ainsi réparties par groupes de trois sur quatre satellites portés au bout des quatre bras d’un carrousel central. Au fur et à mesure du déplacement circulaire du carrousel, les quatre satellites passent successivement par quatre croix de Malte qui entraînent une rotation du satellite afin de le positionner sur la bonne heure.

En couverture du Magazine Europa Star Juin/Juillet 2014: URWERK - Dark Knight et Iron Knight, vigoureuse rencontre entre passé et futur
Urwerk UR-103
Urwerk UR-103

Toujours dans l’UR-103, ce temps de changement de position du satellite prend environ 5 minutes et s’effectue à l’abri des regards sous une large languette centrale qui divise le cadran en deux.

«Si l’effet de l’apparition du satellite correctement positionné semble assez magique, techniquement, explique Félix Baumgartner, la force réclamée par cette rotation du satellite est ponctuelle, une fois par heure. Or, les horlogers n’aiment pas trop ce surplus temporaire d’énergie car il ôte ponctuellement de l’amplitude, ce qui rend le mécanisme plus difficile à gérer sur le long terme.»

Autre point délicat, le carrousel central de la UR-103 est maintenu par un petit roulement à billes qui lui permet de tourner avec la plus faible friction possible. «Mais avec le temps et avec les chocs que toute montre portée reçoit au cours de son existence, explique toujours Félix Baumgartner, un certain jeu peut se créer… Nous nous en sommes rendus compte progressivement, grâce au SAV.»

Ces raisons techniques, mais aussi des considérations esthétiques – que nous évoquons plus bas – ont mené les créateurs d’URWERK à proposer une nouvelle approche du même affichage satellitaire avec la UR-105M (M, pour Manuelle).

La nouvelle UR-105M

Dans la nouvelle UR-105M, plus de languette centrale dissimulant au regard le changement de position du satellite mais un cadran pleinement ajouré qui ne cache rien de la danse satellitaire. Celle-ci s’accomplit désormais de façon visible et continue, supprimant donc ces «chocs» énergétiques préjudiciables à la constance de l’amplitude. Les quatre satellites taillés dans de l’aluminium (pour sa légèreté) sont liés à une structure en PEEK (Polyether- Ethercétone), un polymère biocompatible utilisé dans le domaine chirurgical, à la fois très dur, très résistant et très léger, usinable, ne nécessitant aucun traitement de surface et utilisable voire décorable quasiment comme s’il s’agissait de métal. Le carrousel que protège cette structure en PEEK n’est plus maintenu par un roulement à billes mais par un axe central – qui doit être le plus long possible pour la meilleure précision – axe maintenu par deux rubis et un écrou bien visible au centre de la montre. Les satellites sont en aluminium traité DLC (diamond-Like Carbon) noir.

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Toute la construction se maintient non plus par dessus, comme dans la UR-103, mais par en-dessous. La complexe pièce centrale sur laquelle viennent se loger les quatre satellites est usinée dans de l’ARCAP (Non-Corrosive Copper-Nickel Alloy) tandis que les quatre croix de Malte qui impulsent le mouvement des satellites, sont quant à elles usinées dans un alliage bronzebéryllium auto-lubrifiant. Tout le déroulement de cet étonnant mécanisme se fait de façon continue, sans nécessiter un quelconque apport énergétique supplémentaire. On appréciera pleinement la précision et l’élégance de cette valse continue des satellites en jouant avec la mise à l’heure.

Urwerk UR-105M DARK KNIGHT
Urwerk UR-105M DARK KNIGHT

«Le défi technique est au coeur de notre horlogerie mais la performance est subtile, aux yeux de Félix Baumgartner, car il s’agit de mouvoir avec une précision chronométrique cette structure complexe mais très légère. L’autre défi que relève la UR-105M est d’une toute autre nature, poursuit-il. Il s’agit d’une petite seconde squelettée qui marque le passage des dizaines de secondes en bas à droite du cadran, indication qui est synchronisée avec une deuxième indication de la seconde visible quant à elle sur le flanc droit de la montre.»

Cette indication latérale de la seconde, inscrite sur un cylindre en aluminium éloxé de couleur rouge, est placée sous une loupe. A ses côtés, on trouve, également sous loupe, un indicateur horizontal de la réserve de marche. Si l’on retourne entièrement la montre, on retrouve au dos le très caractéristique «Control Board» d’URWERK, témoignage tangible de la quête chronométrique qui anime la maison. S’y retrouvent un indicateur de la réserve de marche (42 heures) plus précis que son homologue latéral qui fait office «d’alerte», l’indicateur appelé avec humour «oil change», divisé en 5 ans, et qui avertit le propriétaire de la nécessité de procéder à un service de sa montre, et une vis de réglage fin, ou «fine tuning», qui permet à son possesseur de régler au plus près la marche de sa montre. Ce réglage fin est lisible dans une petite fenêtre en arc de cercle.

Corps de titane et bouclier d’acier

Ce subtil et performant mécanisme satellitaire, emporté par un mouvement de base Zénith, est protégé – ici le mot n’est pas vain – par un puissant et vigoureux boîtier surmonté d’une large couronne à 12h. On savait le co-fondateur d’URWERK, le designer Martin Frei, sensible à un imaginaire futuriste, inspiré d’univers à la Star Trek. On avait oublié qu’une autre de ses inspirations provient au contraire de temps reculés, en l’occurrence des armures du Moyen- Age. Cette étonnante inspiration était déjà visible dans une autre montre d’URWERK, la très complexe UR-110. Ici, cette inspiration prend une toute nouvelle dimension. Comme l’explique Martin Frei, «le boîtier de la UR-105M a été intégralement pensé comme une armure. Les vis visibles sur la face de la montre, protégées par des caches, ne sont pas de simples éléments esthétiques. Elles viennent plaquer contre le corps de titane un véritable bouclier d’acier. L’analogie avec l’imaginaire chevaleresque est évident pour moi: vous avez cette puissance qui se dégage de la lunette-armure qui protège un mécanisme somme toute fragile contre les agressions du monde extérieur.» Cette analogie n’est pas forcément évidente pour qui jette un coup d’oeil un peu rapide à cette montre d’apparence plus futuriste que moyenâgeuse. Mais la force et la justesse de cette inspiration deviennent beaucoup plus évidentes quand on dispose côte à côte montre et armure. Martin Frei a ainsi emmené Félix Baumgartner chez les derniers fabricants traditionnels d’armures entièrement façonnées à la main (eh oui, ça existe encore). Ceux-ci, héritiers directs d’une tradition qui a plus de 600 ans, oeuvrent en famille dans les montagnes d’Autriche et viennent de recevoir une commande extraordinaire: remplacer 120 antiques armures destinées à la Garde Suisse du Vatican. Mis côte à côte, la UR-105M et une armure traditionnelle, révèlent leur étonnante parenté formelle et fonctionnelle.

Urwerk UR-105M IRON KNIGHT
Urwerk UR-105M IRON KNIGHT

Quoi donc de plus logique que les surnoms de la UR-105M soient respectivement «Iron Knight» et «Dark Knight»: soit une version avec boîtier titane et lunette acier microbillée, satinage circulaire et satinage vertical, et une version titane et lunette acier microbillée traitée AlTin (Aluminium Titanium Nitride). Des boîtiers sans fond vissé (le montage se fait par le haut), aux formes tendues, aussi complexes à usiner qu’à rendre étanches (neuf ouvertures sont ménagées dans le boîtier, donc autant de points «critiques»).

Tout comme le coeur du système des heures vagabondes provient en droite ligne du XVIIème siècle, l’apparence de la UR-105M plonge donc ses racines dans les temps lointains de la chevalerie. Qui aurait dit que l’horlogerie la plus farouchement et puissamment contemporaine s’inspire aussi fortement de techniques et de pratiques séculaires?

En fait, ce n’est pas une surprise quand on sait que Félix Baumgartner a grandi dans l’atelier de réparation d’horlogerie ancienne que son père tenait à Schaffhouse et qu’il a pu y découvrir de près les fabuleuses entrailles mécaniques de nombre de vénérables et historiques horloges. On imagine l’enfant fasciné par ces savants jeux mécaniques. Cette véritable et profonde culture horlogère, mixée à l’imaginaire d’un Martin Frei qui, issu non de l’horlogerie mais des écoles d’art, ose déployer ses effets et ses inspirations de façon libre, dégagée du «moule horloger», sans contraintes ni formatage, donne aux propositions d’URWERK une profondeur, une originalité et une liberté sans doute uniques en leur genre.

Source: Europa Star June - July 2014 Magazine Issue