L’arrivée des smartwatches d’Apple et d’autres géants mondiaux de l’électronique oblige l’industrie horlogère à un délicat mais sans doute salutaire exercice de prospective. En venant jouer sur «nos» terres ancestrales, la Silicon Valley sème le trouble dans la Watch Valley.
En toile de fond se pose la question de l’avenir de la montre: à quoi ressemblera-t-elle en 2050? Quelle place accordera-t-elle aux nouvelles technologies de communication? Une forme d’«hybridation» se produira-elle à terme? Ou alors des garde-temps purement mécaniques, sur le créneau du luxe, continueront-ils à coexister, comme c’est le cas aujourd’hui, avec les montres connectées bien meilleures marché? Après tout, le streaming n’a pas tué le cinéma (mais a décimé les vidéoclubs). Et internet ne tuera pas le papier – c’est du moins notre certitude à Europa Star!
En lançant sa montre, Apple a à peine masqué son peu de considération pour cette vieille industrie horlogère mécanique. Son designer en chef Jonathan Ive n’a, selon le New York Times, pas mâché ses mots quant à l’avenir de la Suisse en tant que terre horlogère. Il se trouve que le poignet, par un malheureux concours de circonstances, paraît, aux yeux de nombreux gourous high-tech, être le nouvel eldorado pour porter des nouvelles technologies! Et tandis que son grand concurrent Samsung baptisait son objet connecté au poignet d’un modeste «Gear», Apple dépasse la logique du simple « wearable» pour auréoler son modèle du titre de gloire de «Watch», Quel affront!
- Marty McFly in the movie ‘Back to the future’
Un créneau en particulier, celui de la montre fashion en-dessous de 500 francs, est clairement dans le collimateur du géant californien. Il serait faux de répondre au dédain par le déni. Swatch sortira sa montre fitness l’an prochain; des groupes comme Festina annoncent dans nos colonnes développer des capacités dans la smartwatch; Fossil s’associe à Intel et Google. Le prochain Baselword servira de baromètre… Derrière l’«insouciance» affichée, les initiatives se multiplient en coulisse. Les tests et les ratés sont inévitables mais il faut en passer par là. Comme le rappelait récemment le Centre suisse d’électronique et de microtechnique, de nombreuses technologies servant à la connexion ont été inventées et sont brevetées en Suisse. Tiens, comme le quartz en son temps – mais ne réveillons pas ces souvenirs-là!
Il y a quelque temps déjà, Swatch Group avait décidé avec succès de sortir une innovation «out of the box», en collaboration avec un acteur industriel prestigieux. Un petit modèle qui avait pris de court les plus grands. Rappelez-vous: elle s’appelait la «Smart»…
Le monde horloger a toujours su, au fil des siècles, absorber les nouvelles technologies, les nouveaux matériaux et se réinventer, parfois sous la pression. Elle ne doit pas se trahir aujourd’hui et a peut-être raison de ne pas céder à l’empressement devant les smartwatches – ou du moins à ne pas l’afficher. Car la durée de vie de ces engins reste courte, la lassitude cède pour l’instant rapidement le pas devant ces applications un brin gadgets. Et veut-on vraiment s’abandonner à la connexion permanente, en recevant des alertes intempestives à son poignet?
Face au court-terme de la smartwatch, parallèlement aux réponses immédiates qui se trament en coulisse en vue du printemps prochain, c’est une réflexion plus profonde qui doit s’imposer dans le sang-froid. La question est la suivante: le monde de l’horlogerie de qualité, le cœur battant de la «valeur mécanique», qui n’est aujourd’hui pas directement affecté par Apple, osera-t-il un jour l’alliance avec les nouvelles technologies numériques et de la connexion, avec des interventions sans doute plus subtiles, plus élégantes que la mesure de ses calories (plutôt gênant lors d’un dîner d’affaires)? Il y a quelque temps déjà, Swatch Group avait décidé avec succès de sortir une innovation «out of the box», en collaboration avec un acteur industriel prestigieux. Un petit modèle qui avait pris de court les plus grands. Rappelez-vous: elle s’appelait la «Smart»…
*A nos fidèles lecteurs: notre éditeur en chef Pierre Maillard sera de retour pour notre prochaine édition.
Source: Europa Star October - November 2014 Magazine Issue